Parlement & Parlementaires quel avenir...?
Le redécoupage des circonscriptions. C’est à ce défi, techniquement faisable mais très risqué politiquement, qu’Emmanuel Macron a décidé de s’attaquer au cours de son quinquennat. Avec cette double annonce – moins de parlementaires mais plus de proportionnelle –, la carte électorale devrait être profondément remaniée d’ici cinq ans. Même si pour le moment, demeure une inconnue : l’ampleur réelle du changement.
« Ce n’est pas au Sénat que cela va se jouer, car depuis la réforme de 2013, la grande majorité des sénateurs [73%, ndlr] est déjà élue par un scrutin de listes à la proportionnelle » note Laurent Bouvet, professeur de Sciences politiques à l’université Paris-Saclay avant de poursuivre : « il y aura donc des suppressions de sièges, moins d’élus sur la liste, mais finalement peu de redécoupage dans les faits ».
Pour Bastien François, professeur de sciences politiques à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, c’est en effet bien « à l’Assemblée nationale que cela va surtout ‘bouger’ ». Et ce spécialiste de lancer quelques pistes de réflexion : « Si nous appliquons la réduction d’un tiers, nous passons de 577 à 400 députés ; et si sur ces 400 députés, nous appliquons une dose de 25% de proportionnelle, il ne reste plus que 300 députés élus au scrutin majoritaire ! En clair, c’est une circonscription sur deux qui pourrait être supprimée… »
Et si aujourd’hui, un député représente environ 110 000 habitants par circonscription, après ces réformes cela pourrait être le double, avec « quelques difficultés à attendre en zone rurale » pointe Bastien François.
Ce sera donc au ministère de l’Intérieur de se charger de la besogne. Un travail, qui avant de se retrouver sur les pupitres des parlementaires chargés de le voter, devra néanmoins avoir été validé par une commission de personnalités qualifiées (géographes, historiens, spécialistes du droit ou des sciences politiques). Le conseil constitutionnel sera le dernier échelon de « vérification » quant au bien-fondé du découpage. « C’est politiquement risqué, ajoute Bastien François, car un député sur deux pourrait perdre son siège et même si la majorité d’entre eux sont de jeunes parlementaires, il est certain qu’après 5 années de travail ils pourraient avoir le désir de poursuivre leur travail sur les bancs de l’Assemblée ».
Enfin sur des territoires élargis, l’un des défis de nos députés du futur sera sans doute de créer un nouveau lien avec leurs circonscriptions. « Peut-être pourrait-on imaginer un suppléant qui ait un vrai rôle en circonscription » s’interroge Laurent Bouvet, « il faudra également renforcer le nombre de collaborateurs pour mieux mailler la circonscription et pourquoi pas imaginer plusieurs permanences sur un même territoire » avance quant à lui Bastien François. Pour l’enseignant de l’Université Paris-Saclay, « avec des circonscriptions plus grandes, et un travail parlementaire plus orienté sur le contrôle du gouvernement, les attentes des citoyens vis-à-vis des députés pourraient également être bouleversées » par cette nouvelle donne.
Et si selon Bastien François, cette réduction du nombre de parlementaires était effectivement nécessaire car « objectivement il n’y a pas du travail chaque semaine pour 577 députés, surtout si ces derniers avec le non-cumul des mandats n’ont plus d’occupation locale », il faut néanmoins veiller à obtenir en contrepartie une assemblée la « plus représentative possible ». « Mais à l’heure actuelle, nous ne savons pas quelle dose de proportionnelle sera effectivement appliquée et quel mode de scrutin sera retenu : proportionnelle compensatoire ou non » conclut-il.
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